Épanouie et sans enfants, c’est possible ?

 Aie ! Je ne comprends pas… donc ce n’est pas normal ?

L’exercice d’aujourd’hui: muscler ma tolérance en essayant d’appréhender ce qui se joue chez ces femmes qui n’ont pas de désir d’enfant.

4.3% des femmes françaises n’ont pas d’enfants, c’est peu. Parmi elles, certaines l’ont décidé. Mais c’est loin d’être accepté. La famille, voire la société, attend d’elles un autre chemin. Elles sont cataloguées d’égoïstes, ayant un souci narcissique ou encore une névrose non réglée.

Et s’il était possible d’être heureux sans enfants? Eh bien oui, des chercheurs en psychologie d’Harvard, ont conclus en 2013, que faire des enfants ne rendait pas plus heureux.

Alors qu’en est-il de cet égoïsme?
Quand le sujet est abordé, chaque camp renvoie sur l’autre la patate chaude. « Il faut être égoïste pour faire des enfants en ayant besoin de reproduire un petit bout de soi » versus « tout autant pour ne pas en faire et penser qu’à soi. » Mettons donc l’égoïsme de côté, nous allons droit dans le mur. Quel que soit nos choix de vie, l’ego fait partie de la donne, il nous permet de donner sens à notre vie.

Ces femmes ont elles des choses à régler avec leur mère? Pas plus que celles qui font des enfants, nous explique Isabelle Tilmant. Notre choix de faire ou non des enfants prend sa source dans notre relation à nos parents. Reproduire ce qui a été bienveillant ou à l’inverse réparer ce qui a été défaillant restent les causes essentielles dans le choix de faire des enfants mais aussi dans l’autre cas. 

0-0 balle au centre. Elles ne doivent pas aimer les enfants alors? Souvent ces femmes utilisent l’humour pour dédramatiser comme dans l’émission des Maternelles: « Si j’aime les enfants. J’aime les poneys aussi mais je ne veux pas en avoir non plus ». La plupart de ces femmes aiment les enfants, sont pédagogues, douces… une de mes patientes est même sage-femme. Alors, encore une piste qui tombe à l’eau!

Mais elles vont le regretter plus tard. Combien de personnes âgées, dans leur petite chambre de maison de retraite sont seules, sans visites, parce qu’elles n’ont pas d’enfants. N’est-ce pas terrible d’entendre ce genre d’argument. L’enfant aurait-il comme mission de devenir un bâton de vieillesse? Et celles qui ont des enfants, sont-elles toutes entourées de manière bienveillante ? Hum…

Que ressort-il de ces quelques critiques jugements points de vue que nous pouvons renvoyer à ces femmes? Vous ne l’entendez pas? Pourtant, n’est-ce pas simplement nos peurs que nous renvoyons sur l’autre? De belles et jolies projections?

  • l’égoïsme (j’aimerais avoir plus de temps),
  • ne pas aimer les enfants (incompréhension – peur de l’inconnu)
  • problème avec sa propre mère/névrose (essai de compréhension, j’utilise ma vie – mon ressenti – pour expliquer)
  • la vieillesse et la mort (peur de la solitude, de mourir seul)…

Ayant un besoin inconsidéré de valider mes propres choix, je les tiens comme exacts. Pourtant, il ne s’agit que d’une possibilité parmi tant d’autres. En ayant besoin de me rassurer, je définie mon choix comme étant le bon et celui de l’autre comme étant mauvais.
Pourrait-on envisager quelque chose de moins binaire, qu’ils soient bons tous les deux ? Que ces femmes qui font le choix d’avoir ou non des enfants, prennent cette décision en accord avec leurs attentes les plus profondes ? Nous comprenons alors que si l’autre ne fait pas comme nous ce n’est pas parce que nous sommes dans l’erreur mais que nous sommes différents.

Individu A

Dans ce schéma, nous repérons les attentes de A et B qui les conduisent à faire des choix qui les rendent heureux. Pourtant l’individu A ne comprenant pas les choix de B souhaite lui inculquer l’éduquer proposer sa façon de voir. Mais ce que A ne saisit pas c’est que son choix, aussi bénéfique qu’il soit pour lui, ne rendra jamais B heureux.
La seule possibilité au bonheur des deux individus, est que A et B trouvent leurs bonheurs respectifs en lien avec leurs chemins de vie sans interdire à l’autre de prendre un autre chemin.

Nous avons travaillé sur la compréhension du choix de ne pas avoir d’enfants dans cet article, mais cet exercice est perpétuel, il ne s’arrête pas à ce sujet. Ayant autant de formes de bonheur qu’il y a d’individus, le schéma se complexifie à l’infini et ouvre de nombreuses possibilités de travailler sa tolérance :

  • mon voisin peint sa maison en jaune
  • ma cousine ne veut pas allaiter son enfant
  • ma meilleure amie vouvoie sa belle-mère
  • mon père est végétarien…

A bientôt pour un article sur le non-jugement, continuité de celui-ci !

Et pour les petits malins qui voudraient jouer avec les limites, il est évident que ce schéma ne vaut que dans les situations respectant l’Ethique, c’est-à-dire ne conduisant pas à être répréhensible par la Loi (délits-crimes).

Pour en savoir plus sur le non désir d’enfant:

 Emission des Maternelles: Des enfants? non merci! 25 novembre 2014

Documentaire Arte : Femmes sans enfants, femmes suspectes 29 janvier 2016

Sans titre 7

A l’enfant que je n’aurai pas – Linda Lê – 2011 – Nil

index

Epanouie avec ou sans enfants – Isabelle Tilmant (psychologue) – 2008 – Anne Carrière

9782843374951FS

Ces femmes qui n’ont pas d’enfant. La découverte d’une autre féminité – Isabelle Tilmant (psychologue) – 2010 – De Boeck

9782804162139FS

Pas de bébé à bord. Choisir de ne pas avoir d’enfant… envers et contre tous – Gisèle Palancz – 2013 – Josette lyon

9782843193064FS

No Kid. Quarante raisons de ne pas avoir d’enfants – Corinne Maier – 2008 – J’ai lu

9782290007532FS

Madame la poule – Jean-Pierre Blanpain – 2004 – Thierry Magnier – Jeunesse

9782844203038FS

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Les heures souterraines – Delphine DE VIGAN

9782253134213FS

Un vrai coup de cœur, une écriture juste! J’avais beaucoup aimé Rien ne s’oppose à la nuit, ici, j’ai adoré !

Une nouvelle fois, l’auteur s’attaque à un sujet dur, un calvaire qu’elle nous soumet comme un diamant brut. Rien n’est édulcoré, les descriptions sont parfaites.

« Croyez-vous qu’on est victime de quelque chose comme ça parce qu’on est faible, parce qu’on le veut bien, parce que, même si cela paraît incompréhensible, on l’a choisi? Croyez-vous que certaines personnes, sans le savoir, se désignent elles-mêmes comme des cibles? »

Elle nous présente l’horreur de la réalité professionnelle de Mathilde, cet effondrement pervers qui petit à petit, l’air de rien, la conduit dans un fond où elle ne semble plus pouvoir se rattacher à rien. Jacques, son chef, la harcèle, doucement il établit son plan pour qu’elle s’en aille, il ne lui laisse pas la possibilité de s’en sortir, elle n’en a pas le droit. Contrairement à Mathilde, en lisant nous avons la possibilité de tout arrêter en refermant le livre le temps de reprendre son souffle.

« Elle n’en parle pas. Même à ses amis.
Au début, elle a essayé de décrire les regards, les retards, les prétextes. Elle a essayé de raconter les non-dits, les soupçons, les insinuations. Les stratégies d’évitement. Cette accumulation de petites vexations, d’humiliations souterraines, de faits minuscules. Elle a essayé de raconter l’engrenage, comment cela était arrivé. A chaque fois, l’anecdote lui a semblé ridicule, dérisoire. A chaque fois, elle s’est interrompue. »

La réalité de Thibault est d’un autre ordre, son impuissance se focalise sur la volonté d’aimer, mais d’aimer vrai. Sa relation ne va que dans un sens, c’est une autre forme de harcèlement, celui que l’on se fait à soi-même. Rester des mois, des années avec une personne alors qu’elle ne vous aime pas, se leurrer, y croire quand même.

« Est-ce que c’était ça, être amoureux, ce sentiment de fragilité ? Cette peur de tout perdre, à chaque instant, pour un faux pas, une mauvaise réplique, un mot malencontreux? »

Delphine de Vigan, dénonce là encore une réalité contemporaine : la peur d’être seul.
Grâce au métier de Thibault, médecin urgentiste, l’auteur va nous brosser la réalité des solitudes bien dissimulées dans les appartements des grandes villes, nombre des souffrances et d’errances rencontrées.

« Il voudrait être loin, en être plus loin. Il voudrait que le temps soit déjà écoulé, ce temps incompressible par lequel sa souffrance devra passer, six mois, un an. Il voudrait se réveiller à l’automne, presque neuf, regarder l’entaille comme une fine cicatrice.
Il s’agit d’organiser le temps jusqu’à ce qu’il puisse revivre.
Meubler, en attendant que ça passe. »

Les heures souterraines sont les heures que l’on passe dans l’introspection, à se parler à soi-même, à essayer de comprendre ; mais c’est aussi la réalité de la ville, les heures à passer dans des tuyaux tels des rats, ces transports en communs, métro, RER mais aussi ces bouchons où rien n’avance. Dans ces deux derniers cas une impuissance et une violence se dégagent, quelle est la limite à ne pas dépasser, à quel moment cela peut déraper.

« Pour l’instant , il s’agit de rester du bon côté du quai. Ne pas se laisser entraîner vers le fond, maintenir ses positions. Quand le métro arrivera, bondé, irascible, il faudra lutter. Selon une loi tacite, une forme de jurisprudence souterraine appliquée depuis des décennies, les premiers resteront les premiers. Quiconque tente de s’y soustraire se voit conspué. »

Nos deux héros, désarmés face à la réalité de leur vie, essayent tant bien que mal de rester debout, la jungle n’est pas si loin, elle les entoure.

Delphine DE VIGAN - Les heures souterraines
2011 - LE LIVRE DE POCHE - ISBN 9782253134213

 

Le Sel de la vie – Françoise Héritier

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Le contenu de cette lettre intime à un ami, est comme la couverture de cet ouvrage: douce comme du velours. Un assemblage de « moments de joie« , un chapelet de l’essentiel de Françoise Héritier. Son sel de la vie!

« Et ce « je » qui est notre richesse est fait d’une ouverture au monde – d’une aptitude à observer, d’une empathie avec le vivant, d’une capacité à faire corps avec le réel. « Je » n’est pas seulement celui qui pense et qui fait mais celui qui ressent et éprouve selon les lois d’une énergie souterraine sans cesse renouvelée. S’il était totalement dénué de curiosité, d’empathie, de désir, de la capacité de ressentir affliction et plaisir, que serait ce « je » qui par ailleurs pense, parle et agit ? « 

Un petit texte qu’elle décrit comme une « fantaisie », de la délicatesse à la pelle!

« Le monde existe à travers nos sens avant d’exister de façon ordonnée dans notre pensée et il nous faut tout faire pour conserver au fil de l’existence cette faculté créatrice de sens : voir, écouter, observer, entendre, toucher, caresser, sentir, humer, goûter, avoir du « goût » pour tout, pour les autres, pour la vie. »

Je recommande forcément!

« Dormir étalé sur le dos, humer l’odeur des croissants chauds dans la rue, oublier de prendre son courrier, se tenir par la main… »

Françoise HERITIER - Le sel de la vie
2012 - Odile Jacob - ISBN 9782738127549

Carnet – Exemple « Objectif Santé » : Devenir végétarien

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Ceci est un exemple, nous ne sommes pas là pour

valider ou non ce mode d’alimentation.

Alors mettons que mon objectif principal soit : Devenir végétarien.

Dans mon carnet j’ai différentes catégories à remplir :
Objectifs déjà atteints / Objectifs à réaliser / Limites à accepter

Voici ce que cela peut donner :

Objectifs déjà atteints :
– J’ai des compétences : je réalise déjà des recettes végétariennes, je ne pars jamais de rien : salade, pate à crêpe sans lait mais avec bière, soupe, pâtes au pesto…
– Le regard des autres : tout le monde sait déjà que je n’aime pas la viande, cela ne changera pas grand-chose de dire maintenant que je ne veux plus en manger.

Objectifs à réaliser :
– Être en accord avec mes valeurs et mes envies.
– Me fixer un objectif à court terme comme : réussir pendant 1 mois à manger Veggie.
– Trouver des techniques pour compenser la viande dans les plats que j’aime bien comme les spaghetti bolognaise.
– Ce sera l’occasion de me remettre à faire à manger.
– Me faire de nouveaux amis et un réseau pour me soutenir dans cette entreprise.

Limites à accepter
– Le regard des autres sur mon choix et les blagues associées. « Es-tu sûr les légumes ne souffrent pas ? » devra être entendu de nombreuses fois. Je sais que la différence pose question et que leurs remarques témoignent de leurs craintes à eux.
– J’aime le fromage et les œufs, je vais donc continuer d’en manger et on verra si un jour je vais plus loin.
– J’accepte que cette expérience se fasse du mieux possible, sans que cela devienne une prise de tête.
– J’accepte de faire des écarts et d’apprendre petit à petit.

N’hésitez pas à laisser des commentaires sur le travail des objectifs

Si vous avez des remarques à faire sur ce régime,
l’association végétarienne de France
répondra mieux à vos questions que nous.Nous rappelons que c’est un exemple.:)

La petite – Michèle HALBERSTADT

9782226229717FS

Quand nous comprenons que cette enfant de 12 ans avait décidé de mourir, c’est terrifiant! Ce n’est pas très enthousiasmant comme départ.

« J’ai douze ans, et ce soir, je serai morte.
Ce matin, j’ai vidé les tubes de somnifères et tous les médicaments que Maman range en haut du placard de la salle de bains pour éviter qu’on y touche. Il m’a fallu cinq grands verres d’eau pour tout avaler. Ensuite, j’ai mangé une tartine, bu mon jus d’orange, et je suis partie à l’école.
Je n’ai rien dit à personne. Je ne suis ni abattue ni surexcitée. Je me sens sereine, comme on l’est quand on fait ce qu’on a vraiment envie de faire. Et moi, j’ai envie de disparaître. »

Mais en fin de compte, quelle prouesse! Les ressentis et le mal-être typique des enfants est retranscrit avec brio. L’introspection de cette petite fille, sa maturité sur ce que représente la vie est du bonheur à lire. Le cheminement vient doucement au fil des pages, sans verser dans le pathos. C’est une belle leçon de vie!
A tel point que la question se pose: est-ce autobiographique?

« Il faut se méfier des enfants sages. Ils portent parfois en eux des océans de désespoir. »

En tout cas, ce livre est à lire sans l’ombre d’un doute!

Michèle HALBERSTADT - La petite 
2011 - Albin Michel - ISBN 9782226229717

Au revoir là-haut – Pierre LEMAITRE

9782356417015FS

Magistral! Il était évident qu’il gagne le prix Goncourt!

Le livre audio c’est la possibilité d’écouter le livre lu par l’auteur et donc la chance de découvrir le ton qu’il voulait lui donner, cela rajoute au plaisir.

Les auteurs sont peu prolixes sur cette période de post première guerre mondiale.

Tout est là dans ce roman: les gueules cassées, les traumatismes, le deuil, le dégoût, l’abattement jusqu’à la folie.

« Il agrippe la tête de cheval, parvient à saisir les grasses babines dont la chair se dérobe sous ses doigts, il attrape les grandes dents jaunes et, dans un effort surhumain, écarte la bouche qui exhale un souffle putride qu’Albert respire à pleins poumons. Il gagne ainsi quelques secondes de survie, son estomac se révulse, il vomit, son corps tout entier est de nouveau secoué de tremblements, mais tente de se retourner sur lui-même à la recherche d’une once d’oxygène, c’est sans espoir. « 

Tous les maux engendrés par l’horreur mais aussi la perversité des filous qui profitent de la tristesse universelle pour dépouiller autrui.

« À quatre-vingts francs le cadavre et avec un prix de revient réel aux alentours de vingt-cinq, Pradelle espérait un bénéfice net de deux millions et demi.
Et si le ministère passait, en plus, quelques commandes de gré à gré, en retirant les pots-de-vin, on frôlerait les cinq millions.
Le marché du siècle. Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. « 

Un roman noir et brut sur cette période historique qui m’était inconnue et où la malveillance de l’être humain ne s’arrête pas avec la guerre.

Pierre LEMAITRE - Au revoir là-haut 
2014 - Albin Michel - Audiolib - ISBN 9782356417015

Un obus dans le cœur – Wajdi MOUAWAD

9782742770045FS

« On ne sait jamais quand une histoire commence. Je veux dire que lorsqu’une histoire commence et que cette histoire vous arrive à vous, vous ne savez pas, au moment où elle commence, qu’elle commence. Je veux dire… Je veux dire que vous n’êtes pas là, à marcher, tranquillement dans la rue et tout à coup, vous vous dites: tiens, voilà une histoire qui commence. Je veux dire, on ne le sait pas…puis, lorsqu’on réalise qu’on est embarqué dans une histoire, on ne sait pas comment ça va se terminer. Personne ne peut savoir. « 

Ce livre est extrêmement touchant. Mais j’avoue avoir été surprise qu’il soit classé en jeunesse! Le sujet est dur, et la manière dont il est abordé, sans fioritures ni censure, m’a mis mal à l’aise quand je m’imaginais qu’il pouvait être lus par des enfants.

« Plein de mots, plein de phrases dans la bouche pour couvrir la tempête de mon cerveau, de ma conscience, de mon esprit, mon âme ou peu importe quoi d’autre qui est à l’intérieur, car quelque chose dans ma tête murmure très bas, très très bas, des mots violents, et malgré tout le bruit de l’autobus et de ma colère et le grincement de mes dents, malgré le vent et la neige et la tempête et la rage, je les entends ces mots, venus de la nuit du temps : « Ma mère meurt, elle meurt, la salope, et elle ne me fera plus chier ! » Si j’avais un flingue, je me logerais une balle pour calmer la dispersion. Une vague immense me prend de l’intérieur et m’emporte et me fracasse contre les récifs de ma douleur. Elle jette mon cœur sur le plancher noir de l’autobus « 

Le jeune Wahab, 19 ans, est appelé en pleine nuit pour aller au chevet de sa mère mourante. Le parcours dans la neige jusqu’à l’hôpital va provoquer un cheminement et une introspection qui lui permettront de faire le point sur cette relation particulière qu’il a avec sa mère. Cette femme qu’il rejette, qu’il ne reconnait plus à la manière d’un psychotique qui voit les personnes qui l’entourent devenir autre.

« Un jour, ma mère s’est mise à avoir un autre visage. C’est peut-être ça le début de mon histoire. Le jour de mon quatorzième anniversaire, ma mère s’est retrouvé avec un visage tout autre. Je veux dire du tout au tout. Et personne ne s’en est étonné. Et personne ne m’a rien dit. Alors j’ai fugué. »

Le discours est ponctué de réminiscence de la guerre, des images traumatiques sont réveillées par l’événement difficile à venir.

Sa réflexion va perdurer dans la salle d’attente puis au chevet de sa mère. L’auteur a un style simple qui renvoie à la figure la cruauté des images à la manière d’un photographe de guerre où il n’est nul besoin de commentaire.

Ce cheminement va permettre au héros de se découvrir dans la relation à sa mère, de faire le deuil de ses démons et renaitre à la vie.

« Je regarde le ventre de ma mère, son ventre qui s’étire et se détend pour les toutes dernières fois de sa courte existence. Je regarde son ventre. Il n’y a pas si longtemps, j’y étais. Elle m’a porté et a accouché de moi en poussant les mêmes cris que son agonie arrache de ses entrailles, et parce que j’ai connu ses entrailles, pour un instant, je deviens frère de l’agonie. Je la vois mourir. Je vois son ventre mourir. Plus rien ne peut m’y faire entrer à nouveau, m’y faire retourner. L’histoire est désormais ancienne. J’ai le sentiment qu’en assistant à sa mort, j’assiste aussi à ma propre naissance. »

Wajdi MOUAWAD - Un obus dans le cœur
2007 - Actes Sud Junior - ISBN 9782742770045

Rien ne s’oppose à la nuit – Delphine DE VIGAN

9782709637664FS

« J’écris ce livre parce que j’ai la force aujourd’hui de m’arrêter sur ce qui me traverse et parfois m’envahit, parce que je veux savoir ce que je transmets, parce que je veux cesser d’avoir peur qu’il nous arrive quelque chose comme si nous vivions sous l’emprise d’une malédiction, pouvoir profiter de ma chance, de mon énergie, de ma joie, sans penser que quelque chose de terrible va nous anéantir et que la douleur, toujours, nous attendra dans l’ombre. »

Voilà un livre qui témoigne bien des cataclysmes que provoquent des secrets dans une famille. Et celle-ci est bien particulière.
Son histoire n’est qu’une succession de drames qui vont conduire la mère de l’auteur, Lucile, dans la pathologie. La part autobiographique permettra de comprendre la point de vue de sa fille Delphine, mais une reconstruction est nécessaire afin de combler les manques. Delphine de Vigan part donc dans une recherche éperdue de la vérité, un vrai travail d’enquête. Le but de ce travail laborieux est de se défaire de l’emprise de sa mère. Elle a le besoin d’écrire sa vie, de comprendre, de vivre…

« Je ne sais plus quand est venue l’idée d’écrire sur ma mère, autour d’elle, ou à partir d’elle, je sais combien j’ai refusé cette idée, je l’ai tenue à distance, le plus longtemps possible, dressant la liste des innombrables auteurs qui avaient écrit sur la leur, des plus anciens au plus récents, histoire de me prouver combien le terrain était miné et le sujet galvaudé, j’ai chassé les phrases qui me venaient au petit matin ou au détour d’un souvenir, autant de débuts de romans sous toutes les formes possibles dont je ne voulais pas entendre le premier mot, j’ai établi la liste des obstacles qui ne manqueraient pas de se présenter à moi et des risques non mesurables que j’encourais à entreprendre un tel chantier. »

Ce livre est une analyse au plus près de l’effondrement psychique qui va conduire cette femme dans la folie mais aussi à sa perte. C’est un roman, dur mais vrai, expliquant ce qu’est la vie avec une personne psychotique, les délires, la peur, le chaos et l’impuissance des proches. Nous comprenons au fur et à mesure le poids qui pèse sur les différents membres de cette famille. Une famille qui se démembre et se fait du mal.
En bref, un témoignage émouvant, voire bouleversant… nécessaire.

« Lucile nous a laissé ce doute en héritage, et le doute est un poison. »

Delphine DE VIGAN - Rien ne s’oppose à la nuit
2011 - JC LATTÈS - ISBN 9782709635790

Confidences d’un homme en quête de cohérence – Thierry JANSSEN

9782266234863FSThierry Janssen, chirurgien et médecin témoigne de son changement de parcours. Un jour son corps lui dit STOP. Il va trop loin dans le « toujours plus ». Aider les autres est une grande mission mais y laisser sa peau n’est pas une solution!

« Il parait difficile de convaincre autrui d’emprunter un chemin que nous n’avons pas encore parcouru nous-même. La responsabilité de tout thérapeute est, selon moi, de précéder ses patients dans les expériences qu’il les invite à faire. Il ne s’agit pas d’avoir tout compris et tout résolu, mais, au minimum, d’être capable de traverser ses propres peurs, de dépasser ses propres inhibitions et de cheminer avec honnêteté, intégrité et bonne volonté. »

La réalité de son métier ne lui correspond plus. Il va s’essayer à d’autres univers. Et petit à petit prendre conscience qu’il doit revenir travailler dans la relation à l’autre et devenir psychothérapeute.

« Tous ceux qui, comme moi, se permettent de prendre la parole en public pour parler des blessures de l’être humain doivent comprendre qu’ils ont une grande responsabilité et mener un rigoureux travail de conscience afin de ne pas tomber dans le piège narcissique de la toute-puissance. Il est tellement facile de manipuler autrui lorsqu’il souffre; tellement facile de lui faire croire que l’on connaît la solution à ses problèmes. d’autant plus que bon nombre de gens ont tendance à projeter leurs propres fantasmes de toute-puissance sur la personne de l’auteur ou du conférencier. Le soir même, juste après cette première « performance », j’écrivais dans mon journal que je n’avais pas quitté la prison où m’avait précipité mon rôle de chirurgien-parfait-qui-sauve-des-vies pour entrer dans une geôle où m’enfermerait un rôle de gourou du développement personnel en mal de reconnaissance. »

Dans ce livre, Thierry Janssen se met à nu, et il faut avouer que pour ce corps de métier c’est assez rare pour être souligné. Nous ne faisons pas face à un chirurgien tout puissant mais à un être humain qui ne sait plus comment aider l’autre en restant dans une éthique qui lui correspond. C’est un témoignage touchant et aidant pour toutes les personnes qui sont en train de changer de vie. Les fausses routes et les galères sont de la partie et sont nécessaires. Mais quelle magnifique aventure que de savoir où aller dans la vie. L’important étant de ne pas se perdre soi-même.
Un livre de que je recommande chaudement pour sa justesse.

« Ce qui est réellement important, ce n’est pas ce que l’on fait dans la vie, mais ce que l’on fait de sa vie. La nuance est fondamentale. »

Thierry JANSSEN - Confidences d'un homme en quête de cohérence
2012 - Les liens qui libèrent / Pocket - ISBN 9782266234863